Beaucoup d’objets sont façonnés au tour, les potiers, ne manquant pas d’habileté, parviennent en quelques instants à étendre ou monter, ouvrir ou fermer une forme, créant une oeuvre. Ainsi s’explique la grande variété des pièces attestée par trois exemples, une jarre, une bouteille, un vase. Il suffit d’un geste à l’artisan pour modifier le projet. Lorsque l’ouvrage est complexe, notamment quand il s’agit de superposer différentes parties exécutées successivement, bouteilles, gourde double, les jonctions seront faites à l’aide d’engobe et demeurent invisibles. On réclamera encore aux ateliers de réussir à maintenir une grande régularité dans les calibres, les courbes ou les silhouettes, afin d’obtenir des séries uniformes. Après ce premier tournage, la céramique est mise à sécher et souvent reprise pour être égalisée. Il convient maintenant de l’orner. Des filets posés à l’aide du tour déterminent le programme décoratif. En premier lieu on soulignera la morphologie existante, généralement par des frises de motifs dont le répertoire varie peu. Depuis l’ère Jiajing (1522-1566), on puise dans l’intarissable symbolique du taoïsme. Il reste ensuite à animer les plages principales. Pour deux de ces trois exemples on a eu recours à un thème ancien, l’un des plus familiers, celui des canards au bord de l’eau. Présent déjà sur les ding des Song et les sancai des Liao, il va devenir très fréquent sur les bleu et blanc des XIVe et XVe siècles, toutefois avec des compositions plus statiques que picturalesl. Avec Jiajing et surtout Wanli (1573-1619), le sujet se réduit à quelques composantes essentielles, sans même l’indication de l’eau environnante : un grand bouquet de lotus avec ses larges feuilles, une plante aquatique qui lui fait pendant et deux canards sur le point de se rejoindre. Mais cette raréfaction des motifs s’accompagne d’une plus grande intensité dans l’expression. Il en résulte une observation plus minutieuse avec, notamment pour les oiseaux, des attitudes justes, précises, pleinement convaincantes. Ainsi s’instaure un ordre nouveau, dont des ensembles importants relevés sur le San Diego se font l’écho, non seulement des vases ou des bouteilles mais des kendi, des assiettes, des plats... Il semble que ce décor ait conquis la clientèle étrangère puisque nombre de pièces ont été retrouvées dans des fouilles, en Asie au Japon, en Afrique de l’Est au Kenya, en Afrique de l’Ouest au Gabon, en Amérique du Nord sur la côte californienne. Il est vrai que ce style, faisant la part belle au vide et par conséquent à la porcelaine, et laissant flotter des motifs singulièrement inspirés, reste très séduisant. Jean-Paul Desroches "Les porcelaines" dans F. Goddio, [/et al./], [/Le San Diego, un trésor sous la mer/] - Catalogue de l’exposition, Paris,1994, p. 300-359.