L’essor du commerce en mer de Chine ne cesse de croître au cours du XVIe siècle. Les négociants sont nombreux, principalement les Asiatiques. Cependant les affaires restent quelquefois délicates, notamment en raison des interdictions qui frappent périodiquement l’accès aux ports du continent. Cette situation entraîne un important trafic de contrebande, favorisant le développement de petits ateliers dans le Sud près des côtes, depuis Tong’an au Fujian jusqu’à Shantou au Guangdong. Beaucoup d’artisans astucieux mettent au point des produits céramiques difficiles à classer. Ces denrées, intermédiaires entre la porcelaine et le grès, sont décorées au bleu,de cobalt et plus rarement rehaussées d’émaux rouge et vert. Une boîte oblongue et un bol très endommagé attestent néanmoins cette technique sur le San Diego. L’essentiel demeure les bleu et blanc dont la production considérable comporte des jarres, des vases, des plats et des assiettes. Toutefois les thèmes iconographiques offrent souvent moins de variété et ont tendance à se cantonner dans le répertoire des fleurs et des oiseaux. La jarre ovoïde inv. 8 participe de ces créations. Elle a été dressée dans un grès lourd et grisâtre avec six passants rubanés autour du col. Montée en deux parties, le raccordement effectué à mi-panse est resté visible. Le potier conscient de fabriquer un objet usuel n’a pas cherché à le dissimuler par une finition soignée. Au contraire il s’est plu à souligner un procédé de fabrication à l’aide d’un double filet. Ce langage direct se retrouve dans l’exécution du décor. Simple et presque abstrait il a été peint sans contour. Il se développe en frises ondulantes et dynamiques, créant des sortes de tourbillon, représentant des rinceaux de pivoines. Le revêtement feldspathique a été appliqué à l’intérieur et à l’extérieur. Il est couvert d’un réseau de craquelures. La cuisson irrégulière a engendré de grandes taches d’oxydation. Plus blanche, plus fine, mais d’aspect sensiblement voisin apparaît l’assiette inv. 18. Le corps rustique a été masqué par une couverte laiteuse nappée en couche épaisse. La base nue comporte de nombreuses concrétions sableuses. Le décor est disposé en ondes concentriques. Le bord incliné, divisé en sept registres lobés, est séparé par des baguettes. Dans chaque cartouche un emblème enrubanné est inscrit. Le fond s’ordonne autour d’un bouquet de lotus jaillissant. Il semble conditionné par une tendance centripète qui appelle les différents motifs, fleurs, herbes ou oiseaux, à converger. Les trois volatiles à aigrette représentent des grues, un symbole de longévité très répandu sur de nombreux plats ou assiettes de ce type dans la cargaison du San Diego. On peut les trouver différemment associées, soit en couple sur un fond tapissant, soit par trois en vol avec les ailes éployées et les becs pointés vers un médaillon central. Ces improvisations puisent leur langage dans une Chine à la fois mythique et éternelle. Jean-Paul Desroches "Les porcelaines" dans F. Goddio, [/et al./], [/Le San Diego, un trésor sous la mer/] - Catalogue de l’exposition, Paris,1994, p. 300-359.