Instrument dérivé de l’astrolabe planisphérique, dont on doit sans doute l’invention aux mathématiciens alexandrins, l’astrolabe de mer ne fit sa première apparition qu’à la fin du XVe siècle, dans la sphère d’influence portugaise, avant de s’imposer chez tous les marins occidentaux. D’usage commun du XVe au xvne siècle sur tous les bâtiments d’un peu d’importance, les astrolabes de mer sont aujourd’hui très rares et on n’en compte guère plus de soixante-dix à quatre-vingts conservés dans le monde. Les principes de fabrication et d’utilisation des astrolabes nautiques sont fort simples. Ils sont habituellement constitués d’un disque en bronze, plus ou moins ajouré pour offrir le moins de prise possible au vent, et portent, au sommet, un anneau de préhension servant à les suspendre et, à la base, un contrepoids pour les lester. Au centre du disque pivote une alidade munie de deux plaques ou pinnules perforées d’un trou. Une fois l’instrument suspendu par un cordage ou tenu à bout de bras, le navigateur orientait l’alidade de telle sorte que le rayon du soleil, ou à l’origine l’étoile Polaire, s’aligne très exactement dans l’axe des trous. Dans cette position, l’extrémité de l’alidade indiquait donc sur le limbe gradué du disque la hauteur du soleil au-dessus de l’horizon. Une fois cet angle calculé restait alors à l’utilisateur, pour connaître sa position en latitude, à s’en rapporter à des tables de déclinaison du soleil. Fait de bronze, l’astrolabe du San Diego est relativement bien conservé. D’un poids, après restauration, de 2 434 grammes, il mesure 182,5 millimètres de diamètre, pour une épaisseur de 17 au sommet et de 18 à la base. Cette différence d’épaisseur entre le demi-cercle supérieur et la base est une particularité de construction fréquemment observée sur les instruments fabriqués au XVIe siècle, mais dont la pratique semble disparaître au cours du siècle suivant. L’armature est à trois rayons sans empattement. Le croisement de ces rayons et de celui qui supporte le lest est assuré par un médaillon circulaire. Le demi-cercle supérieur est gradué de 5 en 5 degrés, mais les chiffres ne sont pas indiqués, singularité que cet astrolabe partage avec l’astrolabe dit Valencia du Musée maritime de Greenwich. On notera également sur le limbe la présence d’une graduation fine de quatre cercles concentriques au limbe et la matérialisation par une fine rainure, sur les rayons et le contrepoids, des axes verticaux et horizontaux de l’instrument.Le secteur inférieur destiné à lester l’appareil a très grossièrement la forme d’une demi lune, aplatie au sommet, et dont les bords sont chanfreinés. On observe une légère dissymétrie entre le quart de cercle gauche assez régulier dans sa forme et le quart de cercle droit. Les deux pinnules sont constituées par deux tablettes quadrangulaires percées d’un oeilleton conique dont la base est tournée vers l’extérieur. Les pointes de l’alidade sont délicatement travaillées. L’axe de l’alilade est bloqué par une clavette en bec de cane ; sur la face de l’instrument, il est orné par un bouton décoré de douze ondes rayonnantes, identique dans son décor à celui qui orne l’astrolabe Valencia. En outre, l’alidade et les pinnules sont travaillées dans une seule et même pièce métallique, comme c’est le cas pour l’astrolabe Valencia. L’instrument est enfin muni d’un étrier et d’un anneau de suspension, fixés sur un « trône », dont les axes permettent à l’instrument d’osciller. Le pivot inférieur assure ainsi les oscillations d’avant en arrière cependant que le pivot supérieur permet les mouvements latéraux. L’anneau de suspension est en outre équipé d’une « griffe » destinée à assurer une meilleure saisie de l’instrument avec trois doigts. Rare, cette caractéristique a cependant déjà été observée sur quatre autres astrolabes, ceux de Barlow, de Kronborg, de Caudebec et de l’épave du Banda. L’absence de date et de signature sur l’astrolabe du San Diego interdit bien sûr de préciser son origine géographique et la chronologie de sa fabrication. On peut seulement signaler l’étonnante parenté qu’il y a entre cet instrument et l’astrolabe Valencia du Musée maritime de Greenwich. Découvert en 1845 sur la côte de l’île de Valencia au sud-ouest de l’Irlande, l’astrolabe Valencia ne se distingue guère de celui du San Diego que par des rayons à empattement et l’absence de « griffe » de préhension. Généralement crédité d’une origine ibérique, voire plus précisément portugaise4, la présence de cet instrument de navigation sur la côte irlandaise est habituellement mise en relation avec le naufrage sur cette côte en 1588 de plusieurs vaisseaux de l’Invincible Armada. Les nombreuses similitudes entre les deux instruments donnent à penser que les deux instruments sont issus du même atelier. Si l’empattement à vocation décorative des rayons est à porter au crédit d’une plus grande maturité de l’artisan, on pourrait donc en déduire une datation antérieure à 1588 pour l’astrolabe du San Diego. L’argument reste cependant de pure hypothèse. Il faut enfin signaler l’extrême similitude typologique qui existe entre l’instrument du San Diego et l’astrolabe dit de Barlow. Daté de 1602, par une inscription incisée sur le contrepoids, l’astrolabe de Barlow a lui-même été découvert, il faut le signaler dans le port de Manille. Les spécialistes s’accordent en général à accorder une origine portugaise aux deux astrolabes Valencia et de Barlow. Peut-être est-ce donc aussi à un fabricant portugais qu’il faut attribuer la manufacture de l’astrolabe du San Diego dans F. Goddio, [/et al./], [/Le San Diego, un trésor sous la mer/] - Catalogue de l’exposition, Paris,1994, p. 202-213.