Cette jarre à décor d’animaux mythiques procède de la même morphologie savante que la paire précédente et a réclamé pour son exécution un soin égal. Cependant son revêtement a été particulièrement malmené au cours de son long séjour sous-marin. La couverte, devenue mate, a été attaquée en surface et a disparu à plusieurs endroits. Des infiltrations se sont produites et quand le cobalt était placé en surcharge sur certains motifs, il s’est écaillé. Le minerai utilisé ici est très sombre, revêtant des accents pourprés. Peut-être n’avait-il pas été suffisamment broyé et comportait encore des impuretés ferrugineuses qui ont eu tendance à opacifier la couleur ? Les quatre médaillons en ogive, qui constituent le décor principal, épousent pleinement le galbe godronné de la panse. En bas figure une frise de panneaux de lotus dressés, au col se déroule en ruban continu une ligne ondulée ponctuée de symboles, sur l’épaule sont flanqués en alternance des têtes de ruyi et des fleurons. Les intervalles triangulaires entre les médaillons sont ornés de motifs de nuages stylisés terminés en pointe. Le fond bleu vif de chaque médaillon, souligné par son encadrement, ressort en fort contraste sur le blanc de la porcelaine. Il apparaît comme une sorte de milieu vivant, animé d’un décor de lignes vigoureuses et spiralées, qui tantôt imitent des enroulements nuageux, tantôt le déferlement de vagues fougueuses accompagnées de jets d’écume. Chaque animal traverse cette zone de turbulence de biais, agressif en apparence, lancé tel un bolide dans une course folle. En fait, ces quatre créatures sont plutôt bienveillantes ; issues de l’imaginaire antique, elles sont des messagères de voeux de longue vie, de bonheur et de joies terrestres. On reconnaît le shizi, sorte de lion avec ses deux yeux ronds et sa crinière bouclée, le qilin avec son corps et ses pattes de cervidé, couvert d’écailles et repris deux fois, et l’énergique haima, sorte de pégase marin. Depuis les Yuan, ces êtres sont incorporés au répertoire des bleu et blanc et les décorateurs savent les doter d’une singulière animation. Sous les Ming, comme dans cet exemple précisément, ils parviennent à associer la justesse des attitudes à l’impression de vitesse fulgurante. Jean-Paul Desroches "Les porcelaines" dans F. Goddio, [/et al./], [/Le San Diego, un trésor sous la mer/] - Catalogue de l’exposition, Paris,1994, p. 300-359.