Le succès des ateliers de Jingdezhen tenait autant à l’habileté des artisans qu’à leur ouverture d’esprit. A toutes les époques ils surent s’adapter au goût de leurs clients. Les nombreux kendi sortis des fours du Jiangxi attestent ces contacts durables avec l’Asie orientale. Le terme de kendi, d’origine malaise, dérive du sanskrit kundika et désigne un vase pour boire à la régalade. Au XVIIe siècle, les archives néerlandaises de la V.O.C. parlent de gorgolets, un mot qui venait du portugais gorgoleta. L’objet, copié sous les Tang, a été exporté principalement à partir du XIVe siècle. On le retrouvera en terre cuite glaçurée, en qingbai, en rouge sous couverte et surtout en bleu et blanc. Au cours du XIVe siècle, le vase se gonfle avec un bec fuselé et un petit col tubulaire annelé, au XVe siècle la panse s’aplatit, le bec court revêt la forme d’un mamelon, au XVIe siècle la panse plus élégante repose souvent sur un pied, l’épaule bien délimitée porte un long col épanoui qui se rétracte à l’ouverture, au xvue siècle la silhouette du vase se tasse alors que le col s’étire pour s’achever en toupie. L’introduction du tabac américain en Asie à la fin du XVIe siècle va donner une impulsion nouvelle à cette forme, avec le narguilé au Proche-Orient. Les Européens de leur côté furent séduits par son caractère étrange. Les Portugais les premiers, on connaît le fameux kendi en forme d’éléphant qui porte les armes du capitaine Joâo de Almeida, puis les Espagnols avec ce même kendi éléphant mentionné dans l’inventaire de Philippe II, enfin les Hollandais dont les peintres intègrent volontiers l’image dans leurs natures mortes. Toutefois les kendi retrouvés sur le San Diego restent rares mais illustrent les trois catégories traditionnelles : kendi à bec court en porcelaine lourde, les plus fréquents, kendi à bec long en porcelaine légère au nombre de deux, et un seul kendi zoomorphe, en forme d’éléphant. Les kendi inv. S et 519 participent de la première catégorie. Ronds, trapus, leurs articulations sont soulignées par des frises mais leur décor appartient à deux styles différents, l’un libre et aéré avec des « canards au bord de l’eau », l’autre à panneaux compartimentés avec des motifs floraux. Le kendi inv. 6 relève de la deuxième catégorie. Exécuté en véritable kraak-porselein, fine et sonore, il est doté d’un bec verseur courbe imitant les linéaments du bois. Des sortes de racines ont été rajoutées à la barbotine, le col avec ses volutes ressort en fort contraste, s’ouvrant en étoile. Ce type de pièce très populaire autour de 1600 est présent dans la plupart des grandes collections, néanmoins l’oeuvre historiquement la plus intéressante reste celle du Kunstgewerbemuseum de Berlin du fait de sa monture en argent due à l’orfèvre Berger, un membre de la guilde d’Erfut entre 1560 et 15771. La troisième catégorie fait preuve d’une grande imagination plastique puisque l’on connaît des grenouilles, des phénix, des buffles et des éléphants, cependant ce dernier mammifère est de loin le plus répandu (le Topkapi Saray en compte pas moins de onze), on comprend que ce modèle fut retrouvé sur le San Diego. Jean-Paul Desroches "Les porcelaines" dans F. Goddio, [/et al./], [/Le San Diego, un trésor sous la mer/] - Catalogue de l’exposition, Paris,1994, p. 300-359.