Les deux monnaies de l’empereur Ming Wanli trouvées à bord du San Diego sont des exemples du numéraire de base circulant en Chine, mais aussi dans les Etats bordant la mer de Chine méridionale, Vietnam, Taïwan, Insulinde et Philippines, qui, pour certains, abritaient d’importantes communautés chinoises. Les Chinois de la province de Fujian avaient commencé à s’installer à Taïwan, puis de là aux Philippines, qu’ils nommaient Lusong, du nom de l’île principale Luzon. Rapidement, surtout à partir de la seconde moitié du XVIe siècle, un courant d’échanges relia les Philippines au Fujian via Taïwan, par le biais des réseaux commerciaux des grands marchands et armateurs fujianois. La communauté chinoise de Luzon, principalement composée de Fujianois comportaient, outre ces commerçants, des employés des maisons de commerce, des marins, des domestiques, des sbires, etc. Les liens entre Fujian et Philippines ont été rendus particulièrement évidents par la découverte de nombreux trésors de réaux d’argent espagnols le long de la côte de cette province. La monnaie chinoise, contrairement à la monnaie occidentale, n’est pas frappée, mais coulée. Pour ce faire, on fabrique des moules de terre : on aligne les monnaies mères, c’est-à-dire des prototypes, symétriquement le long d’un axe, sur une plaque de terre molle étalée dans un plateau rectangulaire peu profond ; on appuie doucement avec une planche de manière à faire entrer les pièces dans la terre, à la moitié de leur épaisseur ; on enlève la planche et on attend que la terre sèche ; ensuite, on prend une nouvelle plaque de terre molle dans un plateau et on la pose sur le plateau précédent ; de cette manière, en appuyant doucement, les monnaies vont s’enfoncer dans le nouveau plateau, l’ancien étant sec et donc plus résistant. Ainsi on aura fait un moule de droit et de revers dont on sera sûr qu’ils seront parfaitement adaptés. On renverse le tout, pour que le nouveau plateau soit en bas et l’on ôte délicatement l’ancien plateau dont les monnaies se détachent d’autant plus facilement qu’il est sec et que les monnaies sont en quelque sorte collées dans le nouveau plateau ; quand celui-ci est sec, on procède de la même manière avec un nouveau plateau et ainsi de suite. On obtient ainsi des moules de droit et des moules de revers qui seront parfaitement adaptés les uns aux autres. On coule ensuite le métal en fusion dans le moule ; après refroidissement, on casse les moules pour dégager les monnaies que l’on sépare les unes des autres et de l’axe, et on les ébarbe, c’est-à-dire que l’on lime les bords pour les rendre bien nets. F. T. Michel Dhénin, François Thierry, "Les monnaies" dans F. Goddio, [/et al./], [/Le San Diego, un trésor sous la mer/] - Catalogue de l’exposition, Paris,1994, p.184-189.