Elaborées à l’exemple et aux contours des morions occidentaux, mais coulées en cuivre, métal ductile dont l’emploi en Occident est inconnu pour la réalisation des protections de corps, ces défenses de tête paraissent offrir les singularités des productions locales, mais sont également originales en raison de leurs poids considérables (deux et trois kilos). Caractérisé par son profil en forme de nacelle inversée, sa haute crête et ses bords relevés laissant le visage à découvert, le morion (morrion) est d’origine hispanique. Il dérive du chapel mis au point en Espagne durant le XVe siècle et son ultime avatar correspond au cabasset (capacete), utilisé particulièrement aux Pays-Bas dans le courant de la première partie du XVIIe siècle. Répandu vers le milieu du XVIe siècle dans l’ensemble des contrées placées sous la domination espagnole, le morion gagne progressivement l’ensemble de l’Europe ; il équipe les unités de pied, les piquiers ou les arquebusiers, en France, les chevau-légers, les argoulets et les « pistoliers » montés, ainsi que les gardes princières ; les morions portés par les trabans des électeurs Christian Ier et Christian II de Saxe, aux ornementations dorées s’enlevant sur fond noirci, figurent dans plusieurs collections publiques. En Italie, à l’exemple des autres armements défensifs, les morions (morione) produits principalement à Milan et à Brescia, accueillent de véritables compositions en haut relief (style de la Grande Maniera) ainsi que tous les entrelacs du style maniériste, dont l’exemple inspire les « cuirs » de la tradition bellifontaine. En Extrême-Orient, les Japonais devaient adapter à leur usage de nombreux morions occidentaux auquels ils adjoignaient le couvre-nuque (shilkoro) et les ailerons (kukigayeshi) où se plaçaient les armoiries. Les namban Kabuto correspondent également à des défenses de tête inspirées directement aux maîtres japonais par les modèles européens. Les « armures moro » des Philippines dérivent de tels emprunts perceptibles sur les morions retrouvés dans le San Diego. Jean-Pierre Reverseau "Les armements portatifs" dans F. Goddio, [/et al./], [/Le San Diego, un trésor sous la mer/] - Catalogue de l’exposition, Paris,1994, p. 192-2001.