Cette jarre, de taille modeste, a été exécutée dans une porcelaine blanche et fine. La base repose sur un pied rétracté, chargé de concrétions sableuses. La paroi mince s’élève délicatement pour s’arrondir à l’épaule et se resserrer au col. Le pied est orné d’une succession de motifs de vagues et de jets d’écume disposés en couronne. Au centre, sous couverte, figure la marque au lièvre. Sur l’épaule, quatre médaillons fleuris à encadrements multiples alternent avec un fond géométrique formé d’écailles jointives. La composition principale prend place tout autour de la panse du vase et se développe de façon dynamique et sans rupture. Le peintre, en maître habile, a disposé des femmes et des enfants sur une terrasse dont l’arrière-plan est suggéré par l’écran zigzagant d’une balustrade. Des rocailles, des bouquets fleuris et des écharpes de nuages ponctuent l’espace. Les quatre grandes femmes sveltes et nonchalantes semblent hésiter entre l’élan et l’abandon, alors que s’agitent des enfants espiègles. Pleins de vie, ils jouent, gesticulent, dansent... Ce décor illustre une sensibilité nouvelle, fondée sur un style libre, développant des thèmes naturalistes, rares à l’époque. On pourrait rapprocher cette jarre de deux autres exemples, l’un à décor d’enfants de la Percival David Foundation de Londres, l’autre, presque identique, au Gèmeentelijk Museum « Het Princessof » de Leeuwarden, ces deux pièces portant également la marque au lièvre sous la baser. Dans les trois cas le dessin fourmille de détails, voire d’imprévus, et les éléments s’enchaînent en continu avec beaucoup de souplesse.Les personnages paraissent circuler dans un espace réel, communiquant entre eux par leurs attitudes. Ce nouveau langage annonce dès 1600 le style dit de « Transition » qui verra le jour vers 1630. Jean-Paul Desroches "Les porcelaines" dans F. Goddio, [/et al./], [/Le San Diego, un trésor sous la mer/] - Catalogue de l’exposition, Paris,1994, p. 300-359.